Henry Charles DEFREMONT : Disparu pour échapper à la justice
La généalogie nous réserve bien des surprises ! Je cherchais les actes de décès d’Henry Charles DEFREMONT et de son épouse Juliette Adeline CUVILLIER (mes arrière-arrière-arrière-arrière-grands-parents !).
À ce stade, je savais qu’ils étaient originaires de l’Aisne. Ils se sont mariés en 1863 à Saint-Quentin, ils avaient alors 20 ans tous les deux : il était employé de banque et elle était marchande mercière. Je ne leur connaissais qu’une seule fille, notre ancêtre, Juliette Eva DEFREMONT.
J’avais également constaté que lorsque leur fille Juliette Eva DEFREMONT épousa François JANDOT (qui, d’ailleurs, était son voisin) en 1883 à Saint-Ouen, cette dernière vivait avec son grand-père paternel Pierre DEFREMONT, alors âgé de 74 ans. L’acte de mariage disait que sa mère était décédée et que son père avait disparu…
Ce n’était pas la première fois que j’étais confronté à une disparition, mais j’étais loin de m’imaginer pourquoi il avait disparu !
Je lançai donc quelques recherches sur Geneanet et Filae. Les recherches des autres généalogistes mentionnaient également qu’Henry avait disparu. Du coup, je lançai la recherche sur son épouse Juliette et là, bonheur, je trouve la date de son décès : le 26 février 1878 à Paris. Les archives de Paris me permettent de trouver l’acte.
L’acte nous apprend qu’elle est décédée très jeune (33 ans), a priori à l’hôpital Saint-Louis de Paris (l’adresse du décès correspond à cet hôpital). Elle habitait Paris (boulevard Magenta) avec sa mère Adélaïde TROCHAIN, âgée de 55 ans. Son mari Henri est bien noté absent et il est précisé qu’il est sans nouvelles… Triste destin !
Je remarque alors que Geneanet me propose des résultats dans les journaux anciens. Le premier résultat vient du Journal de Saint-Quentin et de l’arrondissement, en date du 5 juillet 1876, et voilà ce que je découvre :
Je viens de découvrir que le couple a fait banqueroute avec leur commerce et qu’ils ont tous les deux eu une peine de prison : 3 mois pour elle et 1 an pour lui. Ce que je comprends également, c’est que comme lui n’était pas présent au procès car il avait déjà fui, il est condamné en plus à 20 ans de travaux forcés… Les peines de prison me semblent sévères pour une simple banqueroute. Pourquoi a-t-il fui avant son procès en laissant femme et enfants derrière lui ? (J’ai découvert d’autres enfants lors de mes recherches initiales.) Une vie dans la clandestinité est-elle meilleure qu’un an de prison ?! En tout cas, il vaut mieux qu’il ne réapparaisse pas vu la peine de travaux forcés qui l’attend s’il se fait prendre !
Restant un peu sur ma faim, je décide alors de regarder s’il existe d’autres articles à ce sujet. Il y en a d’autres, et surtout un qui explique tout : ce n’était pas qu’une simple banqueroute !
Cet article nous en apprend beaucoup plus sur l’affaire : ce n’était pas qu’une banqueroute, mais surtout une affaire de faux et de complicité de faux. Henry a fait faillite une première fois avec le commerce de mercerie qu’il tenait avec son épouse. Il a eu une seconde chance de se remettre à flot, mais il n’a pas respecté les clauses du contrat du concordat puisqu’ils sont de nouveau en banqueroute cinq ans plus tard.
Apparemment, il aurait contrefait des écritures, en imitant les signatures de son père et de son oncle sur des billets et des traites afin d’obtenir des délais de paiement ou de nouvelles marchandises. Il se servait de la notoriété de son oncle principalement pour obtenir des garanties, allant jusqu’à fabriquer une fausse procuration pour retirer les courriers de son oncle à la Poste. Son épouse était complice de cela puisqu’elle a assisté à la fabrication de ces faux.
On comprend un peu mieux pourquoi il a pris la fuite, car non seulement il a fait des faux, mais en se servant de son père et de son oncle… sans doute n’a-t-il pas pu assumer devant eux ce qu’il avait fait. Voilà pourquoi il a fui quelques jours avant sa seconde banqueroute.
Un dernier article nous apprendra que tous ses biens seront mis aux enchères.
Ces articles de journaux nous auront donné une explication sur la disparition de Henry, mais n’oublions pas toutes les personnes qui ont été touchées par cette affaire : sa femme, ses enfants, son père (sa mère étant déjà décédée), son oncle, et tous ses créanciers.
Malgré tout cela, son père a pris sous son aile ses petits-enfants qui se sont retrouvés sans parents après le décès de leur mère. Notre ancêtre Juliette n’avait que 11 ans lors du décès de sa mère et, a priori, 7 ans lors de la disparition de son père. On comprend aussi pourquoi la famille a déménagé à Paris : après une telle affaire, comment rester vivre à Saint-Quentin ?